Comment et pourquoi auto-héberger son Cloud ?

Comment et pourquoi auto-héberger son Cloud ?

Petit traité sur l’usage du numérique

OpenSource, auto-hébergé, qu’est-ce que ça signifie ?

L’OpenSource est un vaste domaine : philosophique, politique, économique, licences et approche du droit de la propriété intellectuelle, valeurs de partage et d’apprentissage… L’objectif n’est pas de rentrer dans les détails, de confronter libre et OpenSource contre licences propriétaires, alors on le résumera très simplement à ceci : l’OpenSource se veut être un ensemble de valeurs portées par une communauté sur le partage d’informations, de logiciels et de matériels. Tout est fait pour être étudié, modifié ou simplement réutilisé à souhait.

Ce courant mondial a repris une maxime bien connue pour se définir : Liberty, Equality, Fraternity. Si si…

L’auto-hébergement consiste à reprendre la main sur ses données. Aujourd’hui la quasi totalité de notre vie numérique est conservée par d’autres entités, souvent privés, sur de plateformes offrant divers services. Il n’est donc pas question de revenir en arrière à l’âge où tout était stocké sur disquettes ou disques durs, mais de construire ses propres services à la maison afin de reprendre le contrôle sur sa vie numérique. Pour ce faire, on peut se tourner vers cette grande communauté liée aux logiciels OpenSource, non pas par obligation (il est possible d’auto-héberger des logiciels propriétaires) mais par choix : reprendre le contrôle via des valeurs partagées.

Pourquoi utiliser un Cloud OpenSource et auto-hébergé ?

Je pense qu’aucune personne lisant ces lignes n’ignore les bienfaits du numérique, il n’est pas question ici de démontrer son utilité. Seulement, la terre entière défend la croissance et le progrès technologique sans trop de remise en question, alors je vais prendre le contre-pied pour tenter d’équilibrer l’équation. Faisons un rapide tour d’horizon du numérique et de son impact, notamment sur l’environnement.

Le numérique, c’est plus de deux fois les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. C’est 10% de la consommation modiale d’électricité. En 2025, ce sera 12% de la pollution mondiale.

On a tous entendu ce chiffre : un mail envoyé correspondrait à 20g d’émission de gaz à effet de serre. Il faut rajouter aussi l’émission liée au stockage de ce mail. C’est pourquoi beaucoup de personnes font plus attention à ne pas stocker inutilement des mails, et cette démarche révèle une volonté générale d’utiliser ces outils de façon responsable. Hors ce n’est pas du mail dont il est question, mais de la quantité de donnée représentée. Le mail a été pris pour exemple parce qu’il parle à tout le monde. Un mail représente peut être 10 KB. Autant dire rien du tout. Une page web c’est peut être 100 KB. Une musique qu’on écoute en ligne c’est 5 MB soit 500 fois plus. Un film c’est 2 GB, soit 200 000 fois plus. Et trente mails envoyés par jour lissés sur l’année équivaut à plusieurs milliers de kilomètres en voiture. Imaginez l’impact quand vous regardez un film sur Netflix… (à relativiser : vu que les protocoles de streaming et de mailing sont différents, la comparaison n’est pas complètement linéaire). Mais on ne parle que d’émissions de GES, on oublie aussi l’utilisation d’eau, le matériel non recyclé, les déchets produits etc. bref on n’a pas fini si on souhaite être exhaustif. Le numérique, c’est aussi 400 smartphones neufs achetés par seconde dans le monde, 30 pages d’impression par jour et par salarié en moyenne. Ou encore plus de 50 milliards d’objets connectés fin 2020. Evidemment, nous omettons les coûts indirects : le coût environnemental d’extraction de métaux rares au transport du matériel.

Alors peut-être qu’en lisant ces lignes on se sent impuissant. Si c’est le cas, vous êtes probablement nés pas plus tard que dans les années 70, ou vous n’avez retenu aucune leçon des erreurs de nos parents. Cette pollution est le fruit de l’utilisation de tous ces services en ligne, sans chercher à comprendre leur fonctionnement, exactement comme la révolution agricole du siècle dernier. Notre besoin a évolué, nous utilisons tous ces outils que sont les agendas, les listes de contacts, nous écoutons de la musique, nous partageons nos fichiers et nous regardons films et séries. Soyons honnêtes, peu de monde comprend de quoi il est question : ma musique m’appartient-elle ? et ma photo sur Facebook ? mes contacts et mon agenda que je retrouve quand je change de téléphone, ils sont stockés où ? Par qui ? C’est sauvegardé comment et à quelle fréquence ? Qui peut lire mes données ? Comment cette entreprise se fait-elle de l’argent ? Pourquoi mes données l’intéressent-elle ? Est-ce que je risque quelque chose ? On pourrait peut-être me répondre qu’il est trop difficile aujourd’hui de comprendre tout cela car la technologie a évolué trop vite. Personnellement je crois que c’est une question de caractère : à l’époque où tout était plus facile et que le numérique n’était pas omniprésent, combien de personnes comprennaient le fonctionnement d’une simple cassette, utilisée au quotidien ? Comment retranscrire de la musique à partir d’une bande magnétique ? La question de cet emballement n’est pas en relation avec notre époque.

Bref, aujourd’hui le numérique n’est pas un cas à part, il est le reflet de notre mentalité et de nombreux autres domaines sont comparables. Finalement, nous n’avons abordé que l’angle environnemental de façon superficielle, on pourrait parler de l’impact sociétal, économique, géopolitique, ou sur la santé…

Concrètement que fait-on ?

Commençons d’abord par : doit-on faire quelque chose ? A chacun son combat, ses armes et sa vision. L’objectif finale est une cohérence complète entre les valeurs et les actions portées par chacun. Soyons lucides, il est très difficile de s’attaquer à tous les problèmes en même temps, ou tout simplement de tous les résoudre. En revanche, on peut tous agir maintenant, sur nos espaces, avec les personnes qui nous entourent (cf Barbara Stiegler). Tout le monde n’a pas la possibilité de lutter partout, ou de lutter tout court. D’autres ont des problématiques plus importantes, et d’autres encore ont une vision différente. En ce qui me concerne sur le domaine du numérique, plusieurs axes sont envisageables :

  • apprendre, comprendre, détourner : réinventer et reconstruire ses besoins
  • ne pas en avoir la possibilité, alors décider de ne pas utiliser ces technologies complexes : la grève du numérique en d’autres mots
  • utiliser cette technologie pour l’environnement, optimiser à grande échelle pour réduire l’impact environnemental

Un point commun à ces différentes approches qui ne sont pas complètement incompatibles entre elles : la décroissance. Comme pour l’agriculture, l’habitat, le transport. On ne pourra jamais créer un impact positif considérable si on ne revoit pas notre consommation à la baisse. Et finalement, améliorer cette consommation.

Alors selon ma vision, il est temps d’arrêter l’achat de gadgets électroniques, de choisir un téléphone résistant et réparable (par soi-même ou par un pro), ou bien d’acheter du matériel d’occasion (Backmarket ou CashExpress pour du matériel révisé et sous garantie). Lors de l’achat d’un ordinateur portable, on peut acheter un modèle professionnel qui date d’il y a 5 ans et remplacer certains de ces composants (RAM, disque dur). Leur puissance est largement suffisante pour notre besoin quotidien. Refuser la 5G, non pas à cause du complot mondiale ou je ne sais quelle autre absurdité, mais à cause du simple fait que ce n’est pas utile : je le rappelle, l’objectif est la décroissance. On peut décider de mettre les mains dans le cambouis ou de demander à ses proches, réparer comme le faisaient nos grands-parents. Choisir la simplicité plutôt que l’esthétique. Et même d’y mettre le prix pour cela. De refuser du matériel bas de gamme construit à l’autre bout du monde, de se poser la question : pourquoi est-ce gratuit ? ou pourquoi est-ce moins chère que le concurrent ? On peut refuser de déplacer l’ensemble de ses données sur des datacenter hébergés à l’autre bout du monde dont la consommation est incroyablement élevée. On peut remplacer des services et se passer de certains : de Netflix à Uber, de Google Drive à Dropbox, de Apple Music à Zoom en passant par Doodle, ces services sont d’énormes sources de pollution.

Mais par quoi va-t-on les remplacer ? Et bien par des services OpenSource et auto-hébergés. Disons le plus possible, certains services sont difficiles à installer avec cette approche. Pour ceux-là, choisir des entreprises ou associations responsables, cibler le plus possible les technologies décentralisées. Un serveur personnel consomme en moyenne 20 W, autant dire très peu s’il nous permet de nous passer de tous ces services. On pourrait se laisser tenter par l’idée de la mutualisation. Je ne m’étendrai pas sur le sujet, mais je donnerai un simple exemple : Google a besoin pour son datacenter de la ville de Mesa de 4 millions de litres d’eau par jour. Un serveur personnel en consomme combien ? Zéro : la décentralisation permet de se redroidir par l’air ambiant car elle représente un ensemble de ressources minimalistes. L’auto-hébergement permet la décentralisation et la diminution des coûts environnementaux, en les remplaçant par un coût financier et intellectuel. Et contrairement à ce que l’on peut penser, le choix de la marque ou du système d’exploitation n’a que peu d’impact. Certaines configurations seront seulement moins faciles à mettre en oeuvre.

Un autre point déterminant que je répète : cette démarche nécessite l’acceptation de services moins bien aboutis. Les logiciels OpenSource sont le fruit de passionnés et de petites entreprises. Il y a des cas où il est impossible de concurrencer les GAFAM. C’est aussi ça la décroissance : apprendre à se passer du superflu.

Alors pourquoi ne pas faire un rapide tour d’horizon de ce que peut proposer un Cloud OpenSource et auto-hébergé ? Pourquoi ne pas chercher à en comprendre son fonctionnement global ?

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